Exposés de politiques

RVPM 2019 Bilan

RVPM 2019 Bilan

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Introduction

Les membres du personnel de la sécurité publique (PSP) doivent répondre à des situations extrêmement stressantes, et faire face à des événements possiblement traumatisants. Les résultats de la recherche suggèrent que les membres du PSP au Canada sont régulièrement exposés à des événements traumatisants dans le cadre de leurs fonctions1 et qu’ils testent positif au dépistage de problèmes de santé mentale à des taux plus élevés que ceux de la population générale2. Ces résultats ont augmenté la sensibilisation sur les problèmes de santé mentale parmi les membres du PSP, et ont encouragé les mouvements visant à fournir de la formation et des traitements aux organismes du PSP. Bien que plusieurs programmes de formation aient été conçus pour améliorer la santé mentale des membres du PSP, très peu de recherche a été effectuée pour évaluer l’efficacité de ces programmes.

En réponse à ce problème, Carleton et coll.1 ont étudié plus de 4000 membres du PSP au Canada afin de mieux comprendre les liens entre les divers types de programmes de formation en santé mentale et deux conclusions fondamentales : la perception concernant la demande de soutien, et les évaluations positives au dépistage de problèmes de santé mentale (basées sur des mesures d’auto-évaluation). Les résultats indiquent que les participants qui suivent quelque formation que ce soit étaient plus susceptibles de percevoir que le soutien était accessible, plus disposés à demander de l’aide si nécessaire; et moins susceptibles de tester positif au dépistage d’un quelconque problème de santé mentale (p. ex., le trouble de stress post-traumatique, le trouble dépressif caractérisé, le trouble d’anxiété généralisée, l’anxiété sociale).

Comme le PSP, le personnel militaire peut aussi être exposé à un stress important, et à des événements possiblement traumatisants sur le plan psychologique. Pour répondre au besoin perçu de plus de psychoéducation fondée sur des données probantes, les Forces armées canadiennes (FAC) ont développé le programme de formation En route vers la préparation mentale (RVPM). RVPM fait partie intégrale de la formation standard des FAC, et est utilisée comme base pour davantage de formation au cours d’une carrière dans les FAC. Elle est offerte en une seule séance (4 heures au total) et met l’accent sur :

  1. réduire la stigmatisation entourant les problèmes de santé mentale et la demande de soutien lorsque nécessaire;
  2. comprendre la santé mentale comme étant un continuum; et
  3. présenter quatre compétences clés (le monologue intérieur, la visualisation, la respiration tactique, et les objectifs fixés) 3,4.

Avec la permission des FAC, la formation RVPM a été adaptée pour la police, par une équipe travaillant avec la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) et les services de police de la ville de Calgary 5. Les adaptations apportées ont touché essentiellement l’emploi d’exemples spécifiques aux policiers, plutôt qu’aux militaires, afin de faciliter la formation; cependant, le fond du contenu est resté le même. La CSMC a ensuite révisé les exemples afin de répondre aux besoins des paramédics, des pompiers, des services de communication, et des travailleurs correctionnels.

Évaluation de la formation RVPM

Comme plus d’un des programmes de formation offerts au PSP, la formation RVPM n’a pas été évaluée en profondeur par le milieu de la recherche 6,7. Il existe actuellement seulement trois études publiées évaluant l’impact de la formation RVPM sur les participants. La première étude a été effectuée par Carleton et coll. 2 sur un échantillon de la police municipale, et a évalué la version de la formation RVPM fournie par la CSMC. Les participants ont été évalués à quatre reprises (soit, avant la formation [n=133], après la formation [n=113], 6-mois plus tard [n= 52], 12 mois plus tard [n =59]) et ont fourni une rétroaction sur leurs symptômes de santé mentale, sur leurs attitudes au travail, et sur leur expérience avec la formation RVPM (c.-à-d., l’impact perçu et l’utilisation des compétences de la formation RVPM). À chaque période d’évaluation, ils ont aussi été invités à ajouter leurs propres commentaires sur leur expérience avec la formation RVPM. Immédiatement après la formation, les résultats n’indiquaient aucun changement statistiquement significatif aux connaissances en santé mentale, à la résilience, ou à l’engagement au travail. Lors des évaluations de suivis, il y avait de petites augmentations, peu importantes, aux connaissances déclarées par les intéressés après 6 mois, et à la résilience après 12 mois. Le seul  changement statistiquement significatif était une diminution de la stigmatisation immédiatement suivant la formation, mais cet effet disparaissait aux suivis de 6 et 12 mois. Les réponses aux questions ouvertes indiquaient que le programme aurait pu avoir un impact non mesuré par le questionnaire. Particulièrement, après la formation, les participants ont déclaré que la formation avait contribué à augmenter leur sensibilisation, leur compréhension, et leurs aptitudes de communication concernant la santé mentale; et à réduire la stigmatisation entourant les problèmes de santé mentale, en corrigeant les fausses croyances sur la santé mentale, et les conséquences liées à l’obtention de soins de santé mentale.

L’étude longitudinale de Carleton et coll. 2 a recueilli les données des participants d’un seul groupe du PSP qui avait suivi la formation RVPM (soit, la police municipale). Une deuxième étude par Szeto et coll. 5 a utilisé des méthodes de méta-analyse pour évaluer 16 groupes de participants de quatre différentes catégories du PSP qui avaient suivi la formation (soit, les services correctionnels, les services de police, les paramédics et les services d’urgence). Chaque participant a répondu à un questionnaire conçu afin d’évaluer la stigmatisation entourant les troubles de santé mentale, les aptitudes de résilience, et la compréhension de la santé mentale en milieu de travail, à trois intervalles : avant la formation (n=5,598), après la formation (n=4,649), et à un suivi 3 mois plus tard (n=845). Comme pour l’étude de Carleton et coll. 2, les résultats obtenus par Szeto et coll. 5 avant et après la formation indiquaient de petites, quoique statistiquement significatives, réductions à la stigmatisation et augmentations de la résilience. Au suivi de 3 mois, la réduction statistiquement significative en stigmatisation était maintenue dans trois des cinq mesures de graduation, mais l’augmentation de la résilience n’était plus statistiquement significative (bien qu’elle était toujours plus élevée qu’avant la formation).

La plus récente étude, effectuée par Fikretoglu et coll. 4 sur les recrues des FAC en instruction de base, était la seule étude qui comprenait un groupe témoin. De plus, afin d’augmenter la rigueur de l’expérience, l’étude a été conçue selon la méthode d’essai à triple insu. Les recrues ont été divisées de façon aléatoire en deux groupes, chacun se trouvant dans une de deux situations : 1) une d’Intervention, où ils suivraient la formation RVPM après 2 semaines d’instruction; ou 2) une de Contrôle où ils suivraient la formation RVPM après 9 semaines d’instruction. . Les groupes ont été évalués sur leur fonctionnement psychologique, sur leur résilience, sur leurs attitudes concernant l’utilisation des services de santé mentale (USSM), sur leurs connaissances en santé mentale, et sur leur performance militaire. Les deux groupes ont été évalués à trois reprises [T1 (semaine 2) – Intervention n= 1452, Contrôle n= 1379; T2 (semaine 5) – Intervention n=1181, Contrôle n= 1021; T3 (semaine 9) Intervention n= 862, Contrôle n=786]. Les chercheurs ont aussi étudié la fiabilité du traitement (soit, le degré d’exactitude et de constance avec lequel le programme de traitement est appliqué). Durant la moitié des séances de formation (après deux, ainsi qu’après neuf semaines d’instruction), un instructeur principal a observé les séances de formation afin de s’assurer que le formateur s’en tenait au scénario de formation (condition de fiabilité élevée). Durant l’autre moitié des séances, aucun instructeur principal n’a observé les séances afin de s’assurer de la validité du traitement (condition de fiabilité faible).

Il y a eu peu de résultats significatifs. Dans l’ensemble de l’étude, il n’y a eu aucune preuve, dans les deux situations, que le fonctionnement psychologique, la résilience, ou la performance des participants s’amélioraient. Lorsqu’on observait des bienfaits apportés à l’USSM, aux attitudes, aux intentions, ou aux comportements, ils étaient minimes et disparaissaient avec le temps. Le plus important résultat a été celui concernant les évaluations de validité; en effet, lorsqu’observées, elles étaient associées à des augmentations continues de certains résultats (attitudes, et demande d’aide); alors que lorsqu’elles n’étaient pas observées, on a remarqué moins de bienfaits, ou des effets négatifs, pour certains résultats (attitudes USSM, demande d’aide, et performance militaire). Ceci souligne l’importance de vérifier et de s’assurer que les programmes de formation sont enseignés correctement par des individus adéquatement formés.

Les études effectuées par Szeto et coll. 5 et Fikretoglu et coll. 4 démontrent toutes deux des diminutions de la stigmatisation parmi le PSP après l’intervention. Ceci est encourageant, étant donné que la culture organisationnelle joue un rôle important dans la manière dont la formation RVPM est suivie 8. Des discussions avec des informateurs clés qui ont contribué à faciliter la formation RVPM dans leurs organismes indiquent que l’efficacité de la formation est souvent influencée par la culture du milieu de travail. Pour que la formation soit efficace, la culture de l’organisme doit avoir la volonté et l’ouverture nécessaire, profiter d’un leadership solide, et comprendre que la formation RVPM n’est qu’une seule pièce du casse-tête 8.

Une seule séance ne serait peut-être pas suffisante. Basé sur les données de la recherche actuelle sur la formation RVPM,5, et de plus amples recherches sur les programmes de formation offerts au PSP 6,1,7 en général, il semble y avoir assez de preuves, qu’une seule séance de formation en santé mentale pourrait ne pas être suffisante. Pour entraîner de grands changements durables, la formation pourrait devoir être suivie à intervalles réguliers, et des rappels pourraient être nécessaires afin que les participants utilisent les compétences acquises et les autres ressources offertes 2,8,5.

En 2018, les FAC ont gracieusement adapté leur plus récente version de la formation RVPM, spécifiquement pour divers groupes du PSP. Du soutien financier fourni par Sécurité publique Canada, en janvier et en avril 2018, a permis à 24 membres du PSP, de diverses catégories partout au Canada, d’obtenir la certification de Formateurs, et ensuite celle de Formateurs principaux. L’équipe qui a effectué la formation et la certification était menée par un des concepteurs initiaux de la formation RVPM pour les FAC. Depuis, les 24 membres du PSP ont formé d’autres membres du PSP partout au Canada, sur une base de recouvrement direct.

L’AVENIR DE LA FORMATION RVPM

Depuis le lancement de la formation RVPM par les Forces armées canadiennes (FAC) en 2007, les concepteurs (soit, Lcol. Bailey, Guest) se sont engagés dans la recherche en cours et l’élaboration de programmes pour s’efforcer d’obtenir des améliorations continues 9. Certains de ces développements comprennent : du contenu ciblé sur le suicide, la conception ciblée sur les facteurs de stress spécifiques à des emplois uniques, et une attention particulière portée sur l’auto-observation du stress et de la santé mentale. Cependant, le contenu supplémentaire pour les développements itératifs des FAC, n’apparaît pas dans la version de la formation RVPM fournie par la CSMC. En décembre 2018, la CSMC a renommé le programme de formation RVPM pour le PSP « l’Esprit au travail  pour les premiers répondants ». La CSMC offre aussi le même contenu à d’autres organismes intitulé « L’esprit au travail » (EAT). Les objectifs de la formation restent les mêmes, soit : réduire la stigmatisation, reconnaître les changements en santé mentale, et améliorer les compétences afin de renforcer la résilience. des coûts. Actuellement, il n’existe aucune donnée publiée évaluant la nouvelle version de la formation RVPM conçue par les FAC spécifiquement pour diverses catégories du PSP, mais plusieurs études sont en cours.   

Grâce au soutien continu de Sécurité publique Canada, l’Institut canadien de recherche et de traitement en sécurité publique (ICRTSP) continue de soutenir le PSP qui offre la formation RVPM spécialement conçue pour diverses catégories du PSP.

Note : Dans le texte, le genre masculin est utilisé au sens neutre et désigne les femmes autant que les hommes.


Citations

1. Carleton, R. N., Afifi, T. O., Turner, S., Taillieu, T., Vaughan, A.D., Anderson, G.S., Ricciardelli, R., MacPhee, R. S., Cramm, H. A., Czarnuch, S., Hozempa, K., Camp, R. D.  (2019) Mental health training, attitudes toward support, and screening positive for mental disorders. Cognitive Behaviour Therapy, DOI: 10.1080/16506073.2019.1575900.

2. Carleton, R. N., Korol, S., Mason, J., Hozempa, K., Anderson, G., Jones, N., Bailey, S. (2018). A longitudinal assessment of the road to mental readiness training among municipal police. Cognitive Behaviour Therapy, 47(6), 508-528.

3.Bailey, S. The Canadian Forces Health Services Road to Mental Readiness Programme. Medical Corps Int Forum. 2015; 2015(2):37-48.

4. Fikretoglu, D., Liu, A., Nazarov, A., & Blackler, K. (2019). A group randomized control trial to test the efficacy of the Road to Mental Readiness (R2MR) program among Canadian military recruits. BMC Psychiatry, 19, 326 doi:10.1186/s12888-019-2287-0

5. Szeto, A., Dobson, K., & Knaak, S. (2019). The Road to Mental Readiness for First Responders: A Meta-Analysis of Program Outcomes. The Canadian Journal of Psychiatry, 64(1_suppl), 18S-29S.

6. Beshai, S., & Carleton, R. N. (2016). Peer support and crisis-focused psychological intervention programs in Canadian first responders: Blue Paper. Regina, SK: University of Regina Collaborative Centre for Justice and Safety. Available from: http://www.justiceandsafety.ca/rsu_docs/blue_paper_full_web_final_production_aug_16_2016.pdf

7. McCreary, D.R. (2019). Veteran and first responder mental ill health and suicide prevention: A scoping review of prevention and early intervention programs used in Canada, Australia, New Zealand, Ireland, and the United Kingdom. British Columbia, Canada: Donald McCreary Scientific Consulting.

8. Knaak, S., Luong, D., Mclean, R., Szeto, A., & Dobson, K. (2019). Implementation, Uptake, and Culture Change: Results of a Key Informant Study of a Workplace Mental Health Training Program in Police Organizations in Canada. The Canadian Journal of Psychiatry, 64(1_suppl), 30S-38S.

9. Fikretoglu, D., Beatty, E., Liu, A., & Defence Research Development Canada – Toronto Research Centre Toronto, O. (2014). Comparing Different Versions of Road to Mental Readiness to Determine Optimal Content: Testing Instruction Type, Homework, and Intelligence Effects at Two Timepoints.


Résumé préparé par : Emilie Kossick, BSc, MA

Édité et révisé par : Dr R. N. Carleton, Dr R. Martin, et Dr R. Camp.


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